Niveau de réduction d’utilisation et / ou d’impact potentiel
Le niveau de réduction d’utilisation des phytos est potentiellement très important avec cette solution. Par exemple en contexte de sols argilo-calcaires en Champagne berrichonne, la transition d’une rotation classique colza-blé-orge vers une rotation sur 9 ans lentille-blé dur-colza associé avec des légumineuses-maïs-tournesol-blé tendre-pois d’hiver-blé tendre-orge a été retenue après simulation pour assurer l’objectif de rentabilité du système tout en réduisant significativement l’usage des produits phytopharmaceutiques (-35% IFT) (source : Arvalis, plateforme SYPPRE).
D’autres observations montrent que l’introduction de prairies temporaires dans des rotations permet également des réductions marquées d’usage des produits. De nombreuses illustrations en sont données dans les « fiches trajectoires » du réseau DEPHY FERMES. On peut, par exemple, mentionner l’expérience d’un agriculteur-éleveur de Haute-Loire qui est passé d’une rotation initiale Orge – Blé tendre – Triticale – Lentille à une rotation Prairie Temporaire (mélange graminées légumineuses) 3 ans – Blé tendre – Triticale – Lentille. Sur les 3 dernières campagnes, l’IFT du nouveau système est inférieur de 40% à celui du système « initial », tout en augmentant la marge à l’hectare. (Source : fiche trajectoire « Modifier sa rotation pour diminuer les phytos et maintenir une marge/ha économiquement viable » https://ecophytopic.fr/concevoir-son-systeme/modifier-sa-rotation-pour-diminuer-les-phytos-et-maintenir-une-margeha).
Des travaux conduits dans le cadre du CASDAR PHYTOEL (2013-2017), qui visait à produire des outils et des références pour accompagner les exploitations de polyculture élevage vers la réduction d’usage des produits phytopharmaceutiques, montrent qu’en moyenne 2/3 de la baisse d’IFT est imputable aux seules modifications d’assolements (abandon/introduction de cultures, changements des équilibres entre cultures) (source : Journée de restitution du projet CASDAR PHYTOEL, décembre 2017).
Freins à lever et conditions d’une démarche réussie
- Evaluer son niveau d’usage en produits phytopharmaceutiques
La très grande majorité des outils de saisie des pratiques agricoles permettent le calcul de l’IFT. Pour les agriculteurs ne disposant pas de tels outils, le ministère met à disposition un outil de calcul en ligne. https://alim.agriculture.gouv.fr/ift/
- Comparer son IFT par rapport à des références
Pour les dispositifs de type MAEC, les IFT de référence sont calculés à l’échelle de la petite région agricole. Ainsi l’agriculteur peut comparer l’IFT qu’il a calculé sur son exploitation avec l’IFT moyen des exploitations de son secteur. Si l’agriculteur ne se trouve pas dans un secteur concerné par ce type de dispositif, il peut se référer aux résultats des enquêtes pratiques culturales réalisées par le Service de la statistique et de la prospective (SSP) du ministère de l’agriculture, et mis à disposition via Agreste. https://agreste.agriculture.gouv.fr/agreste-web/accueil/
- Choisir une culture moins consommatrice en produits phytopharmaceutiques
Bien évidemment le fait de choisir une culture qui permet de réduire sa consommation de produits phytopharmaceutiques ne peut pas être le seul critère à prendre en compte :
- Il faut intégrer les aspects économiques, techniques, organisationnels, etc. pour évaluer la pertinence de l’intégration d’une nouvelle culture dans l’assolement.
- Il faut s’assurer d’un débouché, d’une source éventuelle de conseil et d’une filière locale pour la commercialisation de la nouvelle culture, si elle n’est pas utilisée sur l’exploitation.
- Soutien de la démarche par différents acteurs
Services de l’état :
- Soutien à la diversification dans le cadre de l’actuel verdissement de la PAC et la future conditionnalité.
- Politique de priorité à l’approvisionnement français dans le cadre des Projet Territoriaux d’Alimentation (PAT).
Acteurs de la filière :
- Chaine de transformation pouvant intégrer les productions ayant les meilleurs potentiels de substitution.
Surcoût et/ou gain de la solution
Très variable : dépend des assolements initiaux et des cultures de diversifications. Tous les cas de figure ont été observés dans le réseau de fermes DEPHY avec un nombre significatif de cas où la performance économique ressort améliorée.
Globalement, les surcoûts potentiels peuvent provenir des charges opérationnelles et/ temps de main d’œuvre supplémentaires engendrés par les nouvelles cultures, d’un besoin d’investissement en matériel ou en bâtiments. Ils peuvent également provenir de mauvais résultats en termes de production de ces nouvelles cultures, engendrant des marges sur ces cultures inférieures aux marges moyennes des cultures de l’exploitation. Il peut alors être important de discerner ce qui vient d’une situation exceptionnelle, d’une difficulté de maitrise technique ou d’une faible adéquation aux conditions pédoclimatiques rencontrées localement.
Le besoin de nouveaux outils spécifiques à la conduite des cultures de diversification peut représenter un investissement important qu’il faut intégrer dans l’évaluation économique globale (à minima intégrer un coût lié à une prestation pour des interventions pour lesquelles l’agriculteur ne dispose pas du matériel adéquat).
L’absence de filière structurée sur le territoire pour assurer le débouché de cultures de diversification est surement un élément majeur à prendre en compte dans l’approche économique. Le temps de structuration de la filière peut être long et la rentabilité économique non immédiate.
A contrario, les gains peuvent provenir de meilleures marges sur les cultures de diversification que sur les cultures actuelles, ces meilleures marges pouvant provenir de charges opérationnelles plus faibles et/ou de meilleurs produits à l’hectare. L’introduction de nouvelles cultures peut aussi permettre de meilleures marges sur les autres cultures déjà présentes dans la rotation.
La diversification des productions est aussi reconnue comme un moyen efficace d’étalement des risques (de déconvenue) face aux aléas climatiques à l’échelle de l’exploitation.
Impact santé / organisation du travail / pénibilité (si lien direct)
Les changements d’assolement impliquent systématiquement des évolutions de la répartition annuelle du temps de travail (chaque culture ayant son propre calendrier annuel). Cet impact ne doit pas être sous-estimé car il représente un frein potentiel important à la diversification des assolements si les nouvelles cultures envisagées présentent des calendriers de travaux non compatibles avec les attentes et les possibilités du/des exploitants, particulièrement en cultures légumières. Il peut en revanche venir aussi apporter un meilleur étalement des chantiers à des moments tendus. On peut également noter qu’une diversification des assolements va souvent de pair avec une augmentation de la complexité des systèmes de cultures et du système de production dans son ensemble. En effet, le nombre de cultures augmente, et avec lui le besoin de maitrise technique, de réactivité, d’observations, etc. La contrepartie est dans un gain de robustesse du système.